Voie spirituelle
Denis Marie
3 décembre 2020

Dans la voie contemplative, le progrès spirituel s’accomplit en déjouant notre croyance. Cela se concrétise en adhérant autant que l’on peut à la Présence, à la vérité de l’instant. C’est une approche simple, qui nous demande de laisser notre monde subjectif pour Le Monde. Soit nous cultivions notre rêve, soit nous nous abandonnons au réel.

L’idée d’un “chemin”

A présent, en tant que “chercheur”, nous raisonnons en terme de dualité et de non-dualité. Cependant, dans notre pratique, nous pensons cheminer d’un point A vers un point B. Il nous faut faire attention qu’avec l’idée d’un “chemin” nous ne cultivions pas le concept “d’extériorité”, d’un “second” et la croyance d’une séparation avec le “grand tout”.
Si la vérité est une totalité, il n’y a pas un “nous extérieur” et la “Vérité”. C’est l’illusion d’un “moi” séparé, qui projette un but dans un ailleurs et un autre temps. Le “chemin” n’existe que dans la vision et la perception relative du personnage.
Notre démarche ne devrait pas consister à faire progresser notre “personnage” ainsi que sa vision duelle d’une voie spirituelle. Plus efficacement, elle devrait l’amener à réaliser que lui-même est vide et mensonger. Qu’effectivement, il n’y a pas “deux”.

S’il existe un “chemin” en rapport avec le développement spirituel, c’est celui de la confiance. Souvent, nous avons la compréhension, mais pas la confiance.
Nous voyons bien qu’une compréhension sans la confiance ne peut pas vraiment nous aider. C’est la confiance qui permet de passer de la théorie à la pratique. C’est elle qui permet de concrétiser nos aspirations. Ce que nous avons à perdre est illusion !

Si nous désirons vivre une vie spirituelle, il nous faut changer de référentiel. Il s’agit de passer de la “terre” au “ciel”, de laisser notre intérêt pour les affaires de ce monde terrestre afin de nous consacrer au monde céleste. Ce royaume est déjà accessible en ce monde. Cependant, sa nature n’est pas relative et illusoire. Elle est ce qui contient tout cela.
Voulons nous lâcher le film sur l’écran de cinéma pour nous intéresser à la réalité de la salle de cinéma ? Voilà qui illustre la différence entre le royaume des hommes et celui de Dieu.

L’extériorisation et l’éloignement de Soi ne sont pas possibles. Le retour à Soi n’est donc que symbolique. De même que le sont notre rupture, notre divorce, notre égarement. Nous croyons nous détourner de Dieu et prendre notre indépendance, mais ce n’est la qu’un symbole, qu’un acte spirituel. Compte tenu de l’omniprésence de Dieu, aucun écart réel n’est possible. Lorsque nous pensons le quitter, lui demeure. Il continue de nous animer, de nous respirer, de répandre son souffle de vie sur tout l’univers.

Le bonheur de la vérité est gratuit, celui de l’illusion se gagne.
L’un est infini, l’autre est provisoire.

La contemplation ne vous amènera nulle part. Elle agit comme un éclairage qui démystifie l’illusion. Elle ne s’adresse pas au “moi illusionnée” pour lui donner un nouveau projet. Simplement, elle révèle sa nature factice. Elle vient nous montrer qu’il est une identification dans un rôle, une croyance que nous “portons”, sans qu’en aucun cas nous soyons celui-ci.

La contemplation ne répond pas à l’illusion en continuant dans sa logique, en lui répondant par une surenchère. À l’inverse, c’est d’un monde pareil à un rêve qu’elle nous éclaire. De tous ces jeux elle nous libère en dévoilant toute son irréalité.

Le vrai bonheur n’est pas un état, car tout état est relatif, vient et repart. C’est précisément la sa totalité, sa pérennité, son caractère éternel qui nous procure paix et joie sans pareille.

Progresser spirituellement ce n’est pas progresser tel qu’on l’entend du point de vue de la “compréhension intellectuelle” et relative. Il n’est pas excessif de dire que les échelles de valeur sont inversées.
Pour la majorité, le but de la vie c’est “d’avoir”, “d’obtenir plus” et de s’élever dans un ou plusieurs domaines.
Pour un chercheur, un aspirant à la vérité, il s’agit “d’Être” et ne plus vouloir servir sa volonté, son besoin de saisir. L’illusion du personnage, sa dualité, réside dans le besoin de sa propre valorisation et celui de se rassurer en possédant.

  • Le mythe de l’illusion
  • Le chemin de la dualité
  • Une maladie imaginaire
  • Améliorer le rêve ou se réveiller
  • Le vrai choix
  • Atterrir plutôt que de continuer
  • S’aimer au lieu de s’entrainer

Nous ne pouvons qu’être ici, dans cette présence, puisqu’il n’y a pas d’alternative. Les alternatives n’existent que dans nos idées, dans nos projections, mais rien de tout cela n’est réel. Nous sommes ici, constamment ici, depuis toujours. Il n’y a pas un autre “ici”, une “autre Présence”.

Maintenant, si vous vous efforcez d’être ici, vous vous leurrez. Vous voulez croire l’illusion qui vous dit que vous êtes “ailleurs”.

Nous avons l’idée que dans notre quête, nous n’y arrivons pas. Nous nous voyons toujours dépendant de l’illusion. Pourtant, “cela” qui nous retient n’a pas de solidité. En y regardant bien, même ce qui semble le plus concret dans ce monde ne dure pas. Tout s’épuise tout le temps et sur tout les plans de notre vie.
Comment ne pourrions-nous pas nous libérer de cela même qui se libère de lui-même, qui s’épuise aussi sûrement que le jour ? Nos idées sont éphémères. Toutes disparaissent spontanément sans que nous devions intervenir. L’idée de réussir, celle de ne pas réussir… Jusqu’à cette dernière idée qui nous est venue… Toutes s’épuisent !
Qu’est-ce qui véritablement nous enchaine ?

L’ignorance, l’illusion, c’est le refus de reconnaître l’évidence dans l’intention de se faire exister. C’est vouloir donner davantage crédit à ses propres constructions mentales, à ses opinions, plutôt qu’à l’immuable vérité qui règne sur le monde.

S’il n’existe qu’un seul instant présent, pourquoi s’efforcer de s’y maintenir ? Si toutes les actions du corps, de la parole et de l’esprit se dissolvent spontanément dans ce même instant, pourquoi chercher à les maîtriser ?
Au lieu de s’entêter et de se projeter dans un quelconque entraînement, il serait plus opportun de décider de ne plus s’octroyer la moindre importance. Il serait plus sage de reconnaître qu’aucune de nos idées n’a de réalité.

C’est étonnant de voir tout ce que font certains chercheurs pour leur quête. Ils étudient, pratiques, participent à des retraites qui ne les aident pas. Quelle idée de s’entêter à prendre un remède qui ne guérit pas l’affection dont on souffre ! Le fait d’augmenter la dose et de prolonger le traitement n’y changera rien s’il ne s’agit pas de la médecine appropriée.
L’ingrédient manquant qui a le pouvoir de nous libérer de l’illusion c’est la “vérité”. La vérité entre en nous pour peu que nous lui permettions. Pour cela, ce qui va nous être utile c’est notre ouverture, c’est l’abandon de soi. Comment nous libérer de l’emprise du personnage si nous ne l’abandonnons pas ? Ne croyez pas que c’est l’illusion du “personnage” qui vous tient. C’est seulement de nous-même que nous sommes prisonniers.

Dans bien des systèmes spirituels, nous sommes comme des individus malades qui doivent se faire soigner pour guérir de l’illusion. Il y a donc tout un tas de choses spéciales à faire, des règles à suivre pour nous aider à aller mieux. C’est un programme fastidieux qui se déroule sur de nombreuses années, avec des stages, des techniques, des niveaux, des grades. Pour accomplir cela, il faut trouver du temps et de l’argent et plus encore.
Quand même, c’est fou tous ces spécialistes qui veulent vous guérir de l’illusion. Curieusement, l’espoir que l’on développe dans leur programme doit être puissant, car personne ne guérit vraiment. Il y a seulement quelques élus qui semblent davantage recevoir les faveurs de leur supérieur.
Pourquoi vouloir soigner une illusion qui par définition n’existe pas ? Cela nous donne à penser que le soignant lui-même est toujours sous l’emprise de la même “pathologie”, que c’est un aveugle qui guide des aveugles.

Dans la quête spirituelle, il n’y a rien à conquérir, rien à ajouter et qui fait défaut. C’est notre esprit illusionné qui veut croire cela.
Nous pouvons manquer de bien des choses sur le plan relatif. Sur le plan absolu et de l’Esprit tout est complet. Présence et Êtreté ne peuvent manquer. Au contraire, celles-ci s’imposent constamment à nous. Impossible d’y échapper. La lampe du projecteur qui donne vie au cinéma vient “avant”. Elle ne dépend pas du “film”.
Pourquoi rechercher et pratiquer ce qui est le plus stable et le plus constant en nous ? Si nous ne les vivons pas, c’est parce qu’au fond nous n’en voulons pas. C’est parce que notre intérêt est toujours d’ordre “matériel” et qu’il importe dans les valeurs de l’illusion.
Regardez ! …

Ce n’est pas le nombre d’heures, de retraites, de pratiques, de transmissions spirituelles qui nous libéreront de l’illusion. C’est notre honnêteté en nous-mêmes et avec le monde.
L’illusion est vide. Elle est un mensonge. Elle est une perception fabriquée provoquée par un refus et une fuite de notre part. Elle est notre interprétation. Nous ne voulons pas “la” réalité, mais “notre” réalité.
Si nous nous ouvrons et reconnaissons cette duperie, ce stratagème, alors “la” réalité s’offre à nous sans obstacle. Depuis toujours elle était là. Seulement, nous ne voulions pas la voir.

Ceux qui méditent et qui s’entraînent depuis des années à la Présence et au calme mental n’ont pas reconnu comment cela s’accomplit naturellement en eux. Pourtant, leur corps et leur être sont ici indissociable de cet instant. Ils ne peuvent être “ailleurs” ! Aussi, tout ce qui s’exprime sur le plan physique ou mental se dissout automatiquement et laisse chacun dans l’ouverture et à simplicité de sa condition initiale.

L’éveil et la libération ne sont pas une sorte de passage au “niveau supérieur”, une “promotion”. Nous ne devrions pas perdre de vue qu’il s’agit simplement de la rencontre avec “Soi”, avec notre Nature véritable et divine. Cette Nature est déjà nôtre. Si aujourd’hui nous n’en profitons pas, c’est parce que nous préférons croire en un discours, en un jeu dans lequel nous nous sommes investis et identifiés.
Nous n’arrêterons pas cette ambition et ce rêve en nous évadant par une soudaine et chanceuse “ouverture”. Aucune illusion ne nous retient en dehors de celle que nous nous créons. C’est en regardant et en reconnaissant notre motivation initiale, notre besoin d’une “légende” et du “rôle” que nous y tenons que la démystification interviendra.
Que voulons-nous encore “obtenir”, que tentons-nous de “prouver” par une “histoire”, qui en réalité nous détourne, nous masque et ne réussit qu’à nous distraire de l’évidente vérité ?

Ouvrez votre “jeu” ! Lâchez cette comédie, l’histoire que vous vous racontez et concernant ce personnage que vous n’êtes pas.
Tout cela n’est que croyance, que notions et propos inventés. La vérité n’est pas là, n’en dépend pas. La vérité ne découle que d’elle-même. Alors, pourquoi s’escrimer et persévérer sur un “film”, pour un “programme” qui ne vaut que pour lui-même ?
Vivez ce qui est là, cela dont vous dépendez concrètement. La vérité ne peut manquer puisque c’est d’elle que nous élaborons notre illusion.

L’approche contemplative n’est pas une voie de l’élévation, mais celle de l’abaissement. C’est par le fait de s’abaisser que le “jeu” et le “personnage” s’en vont. L’humilité ne devrait pas être une “posture”, mais la reconnaissance sincère de notre échec, de notre incapacité au bonheur par la saisie, la duperie et l’arrogance.
Dans toutes les approches où le personnage peut espérer et se projeter, en fait, il continue de se faire exister.
La vérité est première. Elle vient avant notre personnage fictif. Elle ne dépend ni de lui ni du moindre de ses accomplissements.

Nous recherchons le bonheur à travers tout ce que nous entretenons

Parce que nous détectons des symptômes, nous en déduisons que nous sommes malades. C’est comme si nous voulions que notre personnage aille mieux en étant moins dans l’erreur. C’est comme si nous voulions que notre mensonge parvienne à dire la vérité. Il y a ici quelque chose d’antinomique et d’impossible.
Notre histoire au regard de la libération de l’illusion n’a besoin d’aller mieux. Ce n’est qu’une histoire relative et qui ne dure pas. De plus, il est difficile de savoir quelles en sont les tenants et les aboutissants. Toute l’histoire que nous vivons s’épuise, c’est déjà épuisé. À présent, de celle-ci ne reste qu’un récit duquel nous sommes parfaitement libres. Comment, une histoire qui s’épuise constamment, pourrait-elle nous retenir ? C’est une nouvelle histoire qui affirme cela.

l’illusion nous laisse entendre que nous avons besoin de tout un tas de choses pour exister, pour fonctionner et pour notre “bonheur”. cependant, est-ce bien vrai ?
d’une façon générale, nous en faisons de trop. nous enchainons un grand nombre d’activités inutiles uniquement parce que nous avons peur du vide. d’heure en heure nous nous occupons par les actions du corps, de la parole et de l’esprit. au fond, notre crainte inavouée, c’est que le manège de l’illusion s’arrête.

si notre passion pour nos affaires et les choses de ce monde était placée sur la connaissance de soi, l’éveil et la libération, nous serions déjà des êtres auréolés.
la raison, qui fait que nous ne progressons pas, que nous stagnons, vient que nous n’avons pas fait le choix de nous engager pleinement. nous ne voulons pas que la vérité prenne trop de place dans notre vie. nous voulons notre vie et jouer notre personnage.
au lieu de faire semblant de pratiquer, demandez-vous pourquoi vous préférez l’hypocrisie au vrai changement pour une libération !
c’est notre volonté qui nous garde dans l’illusion. ce n’est pas le conditionnement, le manque de temps ou les contraintes de la vie active.
la vérité n’est pas comme une chose que l’on ajoute en soi. elle est déjà là. c’est l’ouverture et l’éclat premier que l’on a la possibilité d’arrêter de masquer, d’encombrer par des besoins et des gesticulations inutiles.

Ne vous faite pas le médecin d’une maladie qui n’existe pas. L’illusion est à la fois son patient et son médecin. Elle joue contrer elle-même et, dans tout les cas, ne peut que gagner.

Nous ne sommes pas vraiment “notre ami.” Voilà bien longtemps que nous nous sommes détournés du cœur. Et, depuis, nous compensons et recherchons un bonheur de substitution. Nous avons soif d’amour. Aussi, rien de ce que nous mettons à la place n’a le pouvoir de le remplacer. Nous sommes devenus comme des SDF du cœur.
Plutôt que de chercher « ailleurs », Pourquoi ne pas rentrer “chez nous” ? Nous pensons que nos actions sont irréversibles, que les dés sont jetés. Est-ce vraiment ainsi ? Est-ce si difficile ? Notre cœur n’est pas nos actions. Il n’est pas notre histoire. Il n’est pas notre jugement. Il n’est pas toutes les conditions que notre mental exige et s’impose.
L’amour seul est la clé, qui tel un sésame rouvre le cœur. En lui, tant de bonté est contenue, tant d’accueil et de pardon s’offrent et nous attendent. Il y a tant de joie, de douceur, de beauté qui ne demande qu’à s’exprimer. Chacun de nous détient en lui ce siège de paix. Dès que nous le voulons ; il est l’heure d’être aimé… d’aimer !

Contempler ce n’est pas essayer de s’unir au divin, c’est arrêter de le fuir et de s’en distraire. La vérité de l’êtreté est là. Elle se conjugue d’elle-même en nous. Nous sommes.

En nous l’êtreté est à l’œuvre. Elle opère et s’actualise spontanément. Pour cela, nous n’avons rien besoin de faire.
Cette simple prise de conscience devrait nous apporter soulagement et réconfort. La vie se donne sans cesse. Elle nous fait vivant.