La quête du personnage
Denis Marie
18 mai 2022

Le personnage incarne le jeu que nous nous jouons à nous-mêmes, puis aux autres.

Certains ne semblent pas comprendre la raison pour laquelle ils n’en ont pas fini avec la quête, au regard de leurs nombreuses expériences spirituelles, ainsi que du temps qu’ils y ont consacré. L’explication de ce non-aboutissement tient au fait que c’est toujours leur personnage qui mène la danse. C’est toujours lui qui accumule les “bons points” avec la noble intention de s’améliorer.

Les bons points n’ont pas pour fonction qu’ils “l’améliorent”, mais qu’ils l’ouvrent. Qu’ils démasquent toute son imposture, et l’empêchement qu’elle exerce à cause de son jeu mensonger. C’est de démystifier la posture derrière laquelle nous nous cachons qui nous libérera. Tant qu’en nous le personnage ne sera pas rendu caduc, il continuera de s’interposer à la vérité, et fera que l’illusion perdure.

Le personnage et son jeu représentent l’illusion fondamentale par laquelle les hommes se compromettent. En devenant “quelqu’un”, symboliquement, nous nous séparons et nous différencions du reste du monde. C’est alors que la relation duelle s’enclenche et qu’elle s’étend sur tous les domaines de notre existence.

En premier lieu, s’illusionner, c’est se duper soi-même.

C’est se projeter dans un récit secret, dont nous sommes l’unique protagoniste. L’éveil et la libération n’adviendront qu’à travers la démystification de notre personnage, celle du concept référent, par lequel, individuellement, nous nous autodéfinissons et croyons nous autonomiser.

Le personnage est l’image fabriquée de nous-mêmes, la “définition” qui scelle notre “légende personnelle”. Il est comme un “avatar”, qui nous permet d’intégrer le mythe global, l’illusion à laquelle tout le monde se réfère.
C’est seulement à travers une “récitation”, un propos mental, qu’il occupe une place et impose sa domination dans notre vie. Il est notre “double imaginaire”, la représentation symbolique sans laquelle il nous semble impossible d’exister dans cette vie.

La saisie du personnage est devenue tellement ordinaire dans notre vie, que nous ne la voyons plus. Pourtant, aux yeux de celui-ci, des enjeux demeurent. Les ressorts comme ceux de la crainte et de l’espoir n’ont pas disparu. Aussi, intérieurement, nous devrions identifier la lutte et les attentes qui troublent notre quiétude.

Lorsque nous vivrons dans la reconnaissance de la perfection de l’Être, l’inutilité de tout ajout, de tout complément, nous apparaîtra. Bien des choses resteront malgré tout perfectibles sur le plan relatif. Cependant, vues depuis notre nature absolue comme de simples expressions du monde de la forme, elles ne représenteront plus jamais une condition ou un obstacle à notre liberté intrinsèque.

Les gens disent : “moi, je ne joue pas un rôle”. Cependant, c’est leur personnage qui affirme cela. Lorsque nous ne sommes pas dans un “jeu” ni dans sa logique de gain et de perte, nous ne cherchons pas à nous disculper. Nous n’avons plus personne à défendre.