S’illusionner, c’est ne pas être soi-même, mais vouloir être un “autre”. A nos yeux, être soi n’est pas suffisant. Nous voulons être plus que ce que nous “sommes”. Nous voulons “avoir” !
Aujourd’hui, la prison de l’homme, c’est son mental. C’est son inclination à l’abstraction et à ne plus vivre le monde réel. Notre pensée est partout. Elle n’est plus un simple outil pour aborder l’existence, elle est devenue un but en soi. Nous sommes fascinés par le miroir et les jeux de l’esprit. Dans tout les aspects de l’existence, nous ne cessons de le regarder, d’y chercher des réponses.
Nous cherchons un but dans la vie, alors que nous sommes le but de la vie. Nous en sommes le fruit. Chacun de nous sommes son expression, l’endroit où elle aboutit. Nous en sommes les héritiers. C’est cette place que nous détenons qui devrait nous donner une assise et une légitimité. Pourtant, ce n’est pas ce qui se passe.
S’il n’y a pas “deux”, il n’y a pas séparation, pas de distance.
S’illusionner, c’est choisir de suivre son idée au point de la devenir. Nous voulons être le mouvement. Nous voulons être l’histoire… Pourtant, le mouvement comme l’histoire s’épuisent inévitablement.
Un pas s’épuise et nous en faisons un autre. Pas après pas, nous marchons. Image après image, nous avons l’illusion d’une continuité. Notre cinéma, aussi fluide soit-il, n’est qu’un jeu d’images. Tous nos pas s’épuisent et ne nous conduisent nulle part.
Nous marchons depuis notre plus tendre enfance, pourtant, toute cette quantité de pas ne nous a transporté nulle part. Nous sommes justes ici. Pourquoi cherchons-nous un impossible “ailleurs” ? Le but est en nous. Il n’est pas demain ni dans un autre endroit.
Dans cette vie il y a tout ce que l’on “à” et il y a tout ce que l’on “est”. Le fait d’avoir n’est possible parce qu’en premier lieu nous”Sommes”, ça “Est”. Le fait “d’être” est de nature absolue, tandis que le fait “d’avoir” est de nature relative. Tout ce qui est de l’ordre de “l’avoir” va et vient de façon transitoire au sein même de la nature absolue et constante. C’est l’image des vagues sur l’océan ou celle des nuages dans le ciel.
Le fait de s’illusionner consiste à ne voir qu’un seul de ces aspect à la fois. Nous ne les voyons pas dans leur unité indivisible. Nous pensons que l’un remplace l’autre et que cela alterne. Nous vivons un changement, une impermanence, sans reconnaitre la continuité la nature qui sous tend ces événements relatifs.
S’illusionner c’est assumer ses propres idées c’est leur donner une réalité. Contempler, c’est “couper court” au propos du mental. C’est simplement “être en vérité”.
S’illusionner c’est penser et croire qu’il existe deux vérités. Dans ce postulat, existe “La vérité” ainsi que la “nôtre”. C’est depuis l’établissement de ce principe que toute la vision et le jeu duel parvient à se déployer. Cela a pour conséquence que tout peut alterner, cela peut aller et venir, d’une vérité à l’autre. Ainsi, nous pouvons dire que nous sommes d’accord ou pas d’accord, que nous y sommes ou que nous n’y sommes pas, etc…
Se définir comme une vérité en soi-même est un fantasme puissant. Pourtant, avec un peu de discernement, il n’est pas difficile de constater que “notre vérité” appartient à une vérité plus grandes. Tout cela ne reste qu’une histoire, n’est qu’un concept élaboré par notre mental.
Ne cultivez pas une pratique stérile de mort, de rétention et de fermeture. C’est déjà l’état dans lequel nous sommes captivés par l’illusion.
S’illusionner, c’est croire que l’on est différent de la vérité. Toutefois, le croire ne fait pas que c’est vrai. Alors, pourquoi tenter de solutionner un problème qui n’est pas réel ? Finalement, n’est-ce pas l’accréditer et lui conférer une sorte d’existence ?
Dans notre pratique, nous ferions mieux de chercher à nous adoucir plutôt qu’à nous raidir, nous dénouer plutôt que de nous resserrer. Nous devrions libérer ce que nous retenons plutôt que de le contenir davantage. Nous devrions être comme un morceau de glace qui, se réchauffant, fond et redevient une eau vive.
Ne pensez pas que vous êtes victime de l’illusion ou de la dualité. Nous sommes illusionnés, mais nous ne sommes pas “victime”. Il n’y a pas une “illusion” responsable de notre égarement. L’illusion vient de nous. Elle vient que nous voulons prendre une chose pour ce qu’elle n’est pas. Parmi les exemples les plus célébres, il y a la corde par terre que l’on prend pour un serpent. Nous concernant, c’est d’une illusion intérieure qui nous induit en erreur et non une chose tangible et extérieure. Ainsi, il n’y a pas de phénomène optique ou physique qui contribue à nous égarer.
Notre “illusion” ou “illusionnement”, repose sur une histoire que nous nous racontons, sur une interprétation imaginée pour masquer et subtiliser la vérité. Nous assumons une chose à la place d’une autre, parce qu’elle ne nous convient pas. Nous voyons ce que nous voulons voir en repeingnant la vérité par notre vérité. Ce qui nous conduit à dire qu’il n’y a pas “une vérité”, mais “des vérités” ; celle de chacun. C’est tellement pratique d’avoir chacun sa vérité que l’on peut contrôler et à laquelle personne ne peut avoir accès. Cependant, dans quel espace, sous quelle lumière toutes ces vérités s’affirment, se confrontent, s’attirent ou se repoussent ? Si chacun nous représentons une vérité, alors c’est sur une seule et même terre, c’est dans un seul et même monde que tous nous vivons et auquel tous nous appartenons. S’illusionner, c’est déjà croire qu’il existe “des vérités”.
Ce que nous appelons “illusion” n’est pas le simple effet d’une confusion et d’un quiproquo. S’illusionner ne vient pas de l’extérieur, mais de la relation avec soi-même.
C’est à partir de cette possibilité d’interaction avec nous-mêmes que nous pouvons élaborer le concept de dualité. Je parle de conception parce qu’aucune dualité ne s’exprime vraiment. C’est une subtilité intellectuelle afin de mieux endosser de statut de victime. Si l’illusion n’est qu’illusion, quel pouvoir détient-elle ?
C’est depuis la qualité et l’authenticité de l’interrelation avec soi que résulte un sentiment d’accord ou de désaccord. C’est dans notre esprit que va s’amorcer une opposition avec un “second”. D’un seul jugement va découler un “ennemi” avec toutes les conséquences que nous connaissons.
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