Libération spontanée
Denis Marie
5 juillet 2021

Tout éveil ne peut être que spontané, étant donné que fondamentalement nous sommes vrais.

Au regard de tous leurs efforts et du temps passé à essayer d’atteindre l’éveil, la plupart des chercheurs ne croient pas en l’éveil spontané. Pour eux, cela revient à viser un raccourci improbable et dangereux. C’est tout bonnement impossible. Pourtant, l’illusion n’est qu’illusion. Elle n’a que l’existence et la solidité que nous lui donnons.

Tout éveil ne peut être que spontané, étant donné que fondamentalement nous sommes vrais. Alors, ce n’est pas parce que l’on a étudié et pratiqué une doctrine religieuse ou spirituelle durant un grand nombre d’années. Ce n’est pas par l’addition de toutes nos ascèses et la somme de nos pratiques. L’éveil ne dépend pas d’une accumulation ou bien d’une soustraction, comme certains le prétendent. Ce n’est pas comme un œuf que l’on pond. Il n’apparaît pas non plus comme un talent ou un mérite que l’on obtient.

Il s’agit d’un “réveil”, de la sortie d’un sommeil. Il s’agit d’une vérité que l’on reconnaît alors qu’elle était déjà présente sous nos yeux. L’éveil est spontané. C’est la tergiversation, l’hésitation, la culpabilité et le pardon qui sont longs. Ce sont toutes les histoires que l’on se raconte qui s’étalent dans le temps. Mais la réalisation, les retrouvailles avec la vérité sont immédiates dès lors que cesse toute condition, toute autodisqualification.

Quelle est donc cette logique, cette idéologie qui veut que la vérité soit moins évidente que l’illusion ? N’est-ce pas toujours le regard que porte l’illusion sur la vérité ? S’il est difficile d’être vrai lorsque l’on ment, c’est seulement parce que l’on s’obstine un peu plus dans le mensonge. En aucune façon, l’inexistant ne peut empêcher l’existant. Notre avancée dans la vérité ne peut être retardée et empêchée que par un mensonge, par un refus.

La vérité ne se cache pas. En dehors d’elle, il n’existe aucun lieu où se rendre et s’égarer. C’est uniquement dans le discours de l’illusion, dans le propos du “personnage” que ça ne va pas, qu’il existe ou résiste un problème. De son côté, la vérité va bien ! Elle ne perd ni ne gagne rien. Elle est unique, sans alternative, sans réel contraire, sans la notion d’un “second” pour s’inventer la moindre dualité.

Cet instant est riche d’une liberté que nous ne soupçonnons pas. C’est depuis la définition de nous-mêmes, le “personnage”, que nous codifions le monde entier. L’illusion du personnage crée l’illusion d’une histoire avec celle d’un enfermement.
Contempler, c’est revenir et rester dans l’indéfini. C’est être libre des limites symboliques et de la narration propres à illusion.

Pour la plupart d’entre nous, la vérité représente plus une noble idée qu’une réalité. Elle est perçue comme un concept, un idéal philosophique. Si bien que nous l’abordons d’un point de vue extérieur et duel.
En réalité, la vérité est simple et directe. Elle est le réel à la portée d’un enfant. Bien que nos yeux la voient, dans notre regard elle demeure invisible. Néanmoins, étant unique, nous en faisons partie, ainsi que de la totalité du monde.

La vérité est comme le ciel. Elle se déploie dans une pure et constante Présence.

Toute l’illusion ne repose que sur un propos, sur un récit que l’on se raconte. En fait, ce n’est jamais que le récit qui se raconte lui-même. La vérité ne dit rien. Elle est une ouverture qui ne juge rien, ne déduit rien. Elle reste vaste, sans verser dans la symbolique des mots, des concepts ainsi que les notions et les règles qu’ils représentent. La vérité est comme le ciel. Elle se déploie dans une pure et constante Présence.

Plus nous donnons place aux mots dans notre entendement, plus nous donnons place à l’illusion et à ses valeurs. Ce qui a pour effet que nous en sommes convaincus, que nous accordons du crédit à notre croyance.
Inversement, plus nous nous relions à la vérité, plus nous délaissons l’importance que nous attachons au discours. Cette transition peut s’opérer rapidement. Cependant, elle s’effectuera de façon progressive si notre engagement pour la vérité l’est aussi.

Laissant tout propos du mental, libérez-vous dans le vaste ciel de l’Esprit. Redonnez à l’esprit sa qualité spacieuse.
Tout comme une seule image à la fois remplit le miroir, une seule pensée occupe l’esprit. C’est juste cette dernière que nous laissons, toutes les autres s’en sont déjà allées.
Ne vous laissez pas récupérer par le filet des pensées. Ne faites pas comme certains qui invalident leur pensée par une autre et s’empiègent dans leur logique. Sans le passage, la “bascule” dans le ciel de l’esprit, c’est seulement un simple changement que nous effectuons dans notre “histoire”.

Ce n’est pas l’esprit discursif et illusionné qui peut s’éveiller. Le réveil est une bascule totale, un changement complet de référentiel. Il ne résulte pas de nouveaux efforts, mais d’un lâcher-prise, de laisser tomber tout discours, toute théorie mentale. Il apparaît de laisser choir le filtre des pensées, le sens qui s’y rattache, afin que sans modération brille la conscience nue.