Les personnes illusionnées ne veulent pas changer. Celles qui, soi-disant, prétendent vouloir se libérer sont finalement celles qui fuient le plus. Tout le monde se ment et raconte des histoires. Aussi, tous quitteront cette existence enfoncés dans le même sommeil, le même déni.
L’illusion est notre priorité. Tous nos choix de vie le disent. Toutes nos dérobades, nos fausses excuses en attestent. Si vraiment nous voulions sortir de notre prison, nous y œuvrerions jour et nuit. Nous y mettrions tous nos moyens. Nous ferions des sacrifices, car ce qu’il y a sacrifié c’est justement l’illusion, nos buts stériles, notre jeu hypocrite où nous ne lâchons rien.
Tant que nous « saurons » et qu’avec habileté nous justifierons notre conduite, nous ne ferons que prolonger notre ignorance.
Nous sommes à la fois celui qui crée le problème et qui tente de le résoudre. En ne disant pas la vérité, en ne la reconnaissant pas, simplement nous perpétuons une hypocrisie. Par ce déni, nous maintenons un dédoublement imaginaire.
Selon, comment nous portons notre regard, soit nous saisissons, soit nous libérons.
Ceux qui sont de l’illusion s’y attachent. Ils la regardent constamment. Ceux qui n’en sont plus, parce qu’ils n’y voient aucune source de bonheur, placent leur regard dans le Ciel de l’absolu.
Tant que nous n’aurons pas reconnu que le bonheur authentique, constant, réside uniquement dans l’essence du divin, c’est un bonheur relatif basé sur le gain et la perte que nous connaîtrons. En fait, il n’existe pas deux bonheurs. Celui que nous entrevoyons dans l’illusion provient de la même nature que celui de l’absolu. C’est seulement à cause de notre propre saisie et de notre conception de la vie qu’il s’en trouve limité.
La vérité est là sous nos yeux. Est-ce que nous la regardons, ou préférons nous écouter nos propres idées, notre version personnelle ? Les hommes donnent tellement de place à leurs opinions et à qui ils sont. Ils veulent imposer leurs idées, alors qu’eux-mêmes n’en sont pas convaincus. En fait, chacun doute de lui-même et cherche à se rassurer en essayant de convaincre et de dominer l’autre.
La confirmation qui nous soulagera de notre doute ne sortira pas de nos exploits. Elle viendra d’être entier et réconcilié dans notre cœur. Aussi longtemps que nous serons divisés, une part de nous s’opposera à une seconde. La paix véritable sera reléguée au profit d’un antagonisme.
Le “personnage spirituel” s’emploie à diminuer certaines “choses” dans sa vie. Il est prêt à certaines ascèses, à des sacrifices, à se fixer des règles strictes… Cependant, il n’est pas prêt à s’abaisser lui-même. C’est du personnage que provient l’illusion et non de sa façon de vivre. Tout ce qui remplit notre existence n’est qu’une conséquence. Ce n’est pas la cause première.
Si nous étions plus lucides, nous verrions comment tout ce qui concerne le monde relatif s’épuise de façon naturelle. C’est nous qui relançons notre jeu afin de le continuer, afin de nous faire durer en tant que joueur. D’un côté nous vidons, mais de l’autre nous remplissons.
S’abandonner est une façon simple de “passer” de l’illusion à la Présence, de se désillusionner. Dans le fait s’abandonner nous lâchons le personnage et l’idée de soi, qui nous occupe, en nous en remettant à l’Êtreté initiale. Nous sommes comme un comédien qui d’un coup déciderait de ne plus incarner son personnage pour n’être plus que lui-même.
Cet abandon dépasse le sens d’un “sacrifice”. Il marque celui d’un retour à notre véritable identité. Cette perspective de revenir “chez Soi”, “en Soi”, se révèle stimulante et rassurante. Quand bien même notre abandon ne dure que peu de temps, il doit être entier. Il ne s’agit pas de “faire de l’abandon” sur un coussin de méditation. C’est une bascule franche par laquelle on se dégage de « l’histoire » afin de se retrouver présent, non différencié de l’instant vivant. C’est grâce à ce dénuement, que nous réaliseront dans notre chair que nous ne sommes pas notre croyance. Alors, nous vivrons en reconnaissance de la vérité première et inconditionnelle de l’Être.
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