Se mettre en Esprit
Denis Marie
11 mars 2021

Passer en esprit c’est entrer dans la demeure de Dieu.

“Passer en esprit”, c’est entrer dans la demeure de Dieu. C’est laisser résonner en nous le “Je Suis.”, la proclamation unique du divin. C’est de l’entendre qui nous rassemble. C’est par “l’écoute” de cette affirmation que nous retrouvons l’unité, l’unicité que nous pensions perdue.

Afin de rencontrer l’Esprit de Dieu, en lui nous libérons notre propre esprit. Pour ce faire, nous mettons notre esprit limité en celui illimité de Dieu.
Parce que nous sommes faits à son image, nos esprits sont identiques et ne font qu’un. La division que nous connaissons est la conséquence de notre refus de son autorité. En réalité, cela n’a pas fait que nous soyons devenus différents.

Malgré l’épaisseur de sa paroi, l’espace contenu dans un vase reste identique à celui qui se trouve à l’extérieur. Nous concernant, c’est “l’épaisseur” du symbole mental, que nous avons établi entre Dieu et nous, qui nous laisse croire en une séparation, en un éloignement. Intellectuellement, l’obstacle de ce “simulacre” nous pouvons le comprendre. Cependant, dans les faits, telle une superstition, la croyance d’une division persiste.

“Passer en esprit”* ne vise plus à nous situer dans un langage symbolique humain, mais à entrer dans la vérité de Dieu. Pour être vrais, nous devons nous immerger dans la véritable Source de vie, en faire l’expérience réelle. C’est en cela le baptême de l’Esprit. Celui-là grâce auquel, par-delà toute croyance, nous renaissons à la vie éternelle.

l’Esprit éternel se révèle à ceux qui l’accueillent.
Lâchez l’esprit mesquin pour rencontrer le “vaste Esprit”. Lâchez l’esprit replié qui s’autodéfinit, qui juge et qui oscille continuellement entre crainte et espoir.
Dans l’instant nouveau, l’Ouverture immuable et non fabriquée nous attend sans condition.

En réalité, ce n’est pas que nous soyons exclus de la totalité de Dieu. Cependant, au regard de ce que nous sommes devenus, nous ne croyons plus en faire partie ni même en être dignes.
La logique duelle que nous avons développée pour nous différencier et nous rendre “indépendants”, à présent, agit contre nous. C’est pour déjouer nos croyances qu’en nous “mettant en Esprit”, nous retrouvons notre aptitude à nous rapprocher de Dieu.

Le “passage en esprit” s’actualise en ouvrant l’esprit. Pour cela, mettez un ciel en votre Être. Mettez-y la clarté d’un miroir.
S’agissant du corps, nous pouvons lui donner une détente, un silence. S’agissant de l’esprit, c’est une ouverture, une qualité spacieuse que nous y autorisons. Le ressenti est celui d’un passage dans une indescriptible totalité. C’est comme si, situé sur une hauteur, nous retirerions un casque lourd et occultant notre tête. Décoiffé, nous apparaît alors une ouverture englobante et panoramique, une vivante et insaisissable immensité. C’est comme vivre un étourdissement frappé par cette profondeur, par cette perfection sacrée.
Si vous êtes confiants, il ne vous reste qu’à vous abîmer éperdument dans l’incommensurable, l’insaisissable Esprit de Dieu.

Parce nous fonctionnons à travers un langage conceptuel et symbolique, nous parlons de quitter là où nous sommes afin de nous rendre en un “autre lieu”.
La Source n’est pas limitée à une situation géographique. Elle est l’ouverture, la nature initiale omniprésente. Tout ce que nous expérimentons se déroule en elle.
Déjà, nous sommes dans le giron de Dieu. C’est de privilégier l’illusion, qui nous laisse croire l’inverse, qui fait que nous ne le validons pas. En réalité, nous ne pouvons pas ne pas réussir à “passer en Esprit”. Si nous le pensons, c’est encore l’une de nos idées illusoires.

Au départ, du fait de notre croyance en la séparation, il peut être opportun de mêler notre esprit avec celui de Dieu. Ici, le but n’est pas de rétablir l’unité, mais de déjouer, de démystifier notre schéma duel.
Comprendre, être convaincu que tout cela n’est que croyance, ne suffit pas à désactiver l’influence qu’exerce le mythe. Souvent, il convient de s’en donner la preuve. C’est le fait de franchir le Rubicon, de transgresser notre “barrière mentale” qui permettra de l’invalider. Cette preuve, il arrive que nous devions nous la redonner plusieurs fois.

Je parle de se “passer en Esprit”, mais j’emploie aussi l’expression “passer en amour”. Il s’agit d’un mouvement intérieur similaire. C’est principalement notre désir, notre disposition à les décider, qui fait qu’en nous ils deviennent efficients.
Certains, semblent y voir une intervention non naturelle. Pourtant, ne mangeons-nous pas lorsque nous avons faim ! De la même façon, prendre en compte notre soif spirituelle* nous appartient. Quoi de plus approprié que d’y répondre ?

Ce mettre en esprit c’est comme s’envoler dans notre Ciel intérieur.
C’est élever son âme.

Se “mettre en Esprit” découle d’un mouvement d’ouverture et d’abandon en Soi. À travers celui-ci se vit des retrouvailles. Nous regagnons la “Demeure”, la place qui nous attend.
Parce que l’essence de notre Esprit est identique à celle de Dieu, comme au premier jour, comme la première fois, nous rejoignons l’unique “chez-Soi”. Nous n’avons d’autre souhait que d’y rester à jamais.
C’est comme retrouver sa famille que l’on aime. C’est “être avec”. C’est vivre une communion d’amour et célébrer le bonheur d’être tous réunis.

A suivre…

La samaritaine
“Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.
Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. (Jn 4:24)
Le texte  >
La métaphore de la soif
— “La source a soif d’être bue !” (St Grégoire de Nysse)
“mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle.” (La samaritaine (Jn 4:14)

La demeure en “Soi” est un espace sacré. C’est le lieu de l’Esprit. Plus nous y allons, plus il nous révèle l’essentiel et l’indicible de sa splendeur. “L’adoration en esprit” dont parle le Christ représente cette immersion en l’Esprit, la réintégration du Royaume. C’est le temple interne.
Lorsque nous prions avec force, parce que nous avons besoin d’aide et que ça nous semble être notre dernier recours, c’est ici que nous venons. C’est ici que notre demande nous transporte. Demander de tout son cœur a le pouvoir de nous redonner, de nous révéler notre véritable cœur.

Lorsque nous regardons dedans, c’est comme si nous regardions dans miroir où tout s’efface. C’est se sentir comme un bloc de glace qui se voit fondre au contact de la chaleur. La profondeur de l’insaisissable Esprit nous attire et nous place dans l’instant. Il n’y a plus que l’unique Présence en laquelle tout se dissout inexorablement. Une dissolution pour un renouveau et un jaillissement de vie.

Si l’on dit que “Dieu est grand”, ce n’est pas pour que nous nous sentions petits. C’est au contraire pour que nous sortions de notre petitesse. Il s’agit d’une invitation à le rejoindre, à nous rendre dans sa grandeur. Cette démesure de Dieu se trouve ici. À l’image du ciel, elle couvre tout.

Spirituellement, lorsque l’on parle “d’ouvrir notre esprit”, ce n’est pas pour élargir nos idées. Plus concrètement, il s’agit de mettre notre esprit, notre conscience individuelle en l’immense ouverture, en la conscience et l’Esprit infini du divin. Originellement, notre esprit n’est pas différent de celui de Dieu. Cependant, illusionnés, nous l’avons délimité, défini et refermé dans une volonté individuelle.
Le fait de mettre “notre petit esprit” en l’immensité de celui de Dieu, n’a pas pour but de les “réunir”. La démarche est de réaliser combien, par-delà notre vision conceptuelle, déjà ils ne forment et ne demeurent qu’un seul.

Notre conscience n’est pas la nôtre. Elle est celle de dieu qui brille en notre esprit. Nous ne pouvons rien en faire, seulement la nier et nous en distraire. Celle-ci est comme une lampe qui jamais ne s’éteint. Dans toute situation, elle nous accompagne. Elle est comme le jour intime qui nous éclaire intérieurement. Toutes nos pensées, tous nos mouvements de l’esprit se font dans cette lumière.
Dieu est notre jour intime, il est l’éclat incessant de notre conscience. Nos pensées sont que des vagues sur cet océan. Elles ne sont que des nuages dans l’immensité du ciel. Les vagues et les nuages passent inéluctablement. Quand au ciel lumineux il demeure et ne varie pas. Dieu est pleinement présent en nous que nous ne le voyons pas !

Nous retenons le discours qui sort de notre esprit mais nous n’accueillons pas l’esprit lui-même. Le mental ne représente que le mouvement à la surface de l’esprit. Il est identique au jeu des vagues et des ondulations à la surface de l’eau. Notre illusion vient de regarder davantage les mouvements des pensées plutôt l’ouverture et l’éclat de l’esprit en lequel elles apparaissent furtivement. Les pensées sont à l’image des sons et des musiques qui s’expriment passagèrement dans le silence.

L’eau se trouble parce qu’elle est agitée. Cependant, lorsqu’elle s’apaise sa surface se lisse comme un miroir où la profondeur du ciel s’y réfléchit naturellement.
Lorsque nous laissons toute préoccupation interne notre regard s’éclaircit. L’esprit en nous s’ouvre comme un ciel.
Ce n’est pas de nous engager dans un nouveau “faire” qui va nous aider, mais de nous reconnecter à l’Êtreté.

Nous ne savons pas “l’Esprit” qui nous habite et qui nous anime, parce que nous ne le regardons pas. Nous l’ignorons et ne passons pas de temps avec lui. Nous nous limitons à observer le reflet de nos pensées qui apparaissent à sa surface, sans chercher à plonger notre regard dans leur origine.
Comment pourrions-nous connaître l’Esprit, si nous ne nous approchons pas du puits de Vie ?

Étant coincés dans notre subjectivité, notre tendance est de réagir sur ce plan. Bien que l’approche spirituelle nous invite à nous ouvrir à la vérité l’absolue, c’est toujours depuis notre vision personnelle que nous nous y employons.

C’est en prenant du recul par rapport à notre esprit pensant, dans “l’arrière-plan”, que le champ s’ouvre. La conscience du vaste Esprit est première. Elle est comme l’ampoule lumineuse du projecteur qui ne s’implique pas dans les cinémas. Elle demeure intacte dans sa perfection. D’emblée, nous sommes rejoints lorsque nous “reculons” en le “chez-Soi“, en “l’arrière-plan” ou plus exactement de la conscience primordiale.

Je suis l’Esprit. Je ne suis pas la pensée dans l’Esprit.
Regardez votre esprit, malgré tout il demeure ouvert et libre. Prenez la mesure de son irréductibilité.
Dans l’esprit, il n’y a rien à changer, à effacer, puisque rien ne peut y rester. Même l’idée d’effacer s’efface. Celle aussi qui dit de s’arrêter.
Toute pensée, toute projection appartient au rêve. Bien celles-ci surgissent dans l’esprit, l’esprit n’en fait pas partie. Des réflexions apparaissent dans le miroir mais celui en demeure d’une autre nature.

Tel un miroir, l’Esprit détient sa propre clarté que rien n’a le pouvoir d’altérer. Tel un miroir, il peut s’emplir du reflet des pensées, sans qu’elles ne puissent le souiller. Son éclat initial demeure intact. Il ne varie pas. Il est inaltérable.
Ainsi, est la nature de l’Esprit qui vit en nous et qui nous accompagne durant notre existence. Voilà, l’essentiel que nous ignorons sur lui et qui a pour conséquence que nous ne voyons et ne suivons que nos seules projections.

Ne permettez au mental de s’occuper de l’Esprit. Le vaste Esprit prend soin de lui et n’a pas besoin des reflets de l’illusion. Ce qui compte, c’est simplement que nous arrêtions de nous prend pour Lui et de vouloir occuper sa place.
L’Esprit n’a rien à voir avec ce monde. C’est ce monde qui a à voir avec lui.
Le vaste Esprit est comme une auréole qui nous coiffe et qui nous accompagne de façon incessante.

Plutôt que de mastiquer vos idées, plutôt que de méditer et de rechercher un “maintien”… Mettez votre esprit dans l’Ouverture, dans le ciel vivant de l’instant. Rencontrez ici la demeure naturelle. Rencontrez tout de suite le but incessant. Arrivez… Atterrissez là où vous “Êtes”.
Ouvrez-vous, abandonnez-vous à la simple évidence. Tout est déjà achevé et parfait. Cela n’attend que vous, que votre adhésion.
Cette “arrivée” la vérité l’accomplit déjà pour nous. Nous concernant, il s’agit seulement de reconnaître, d’accepter que cela soit déjà ainsi et que ça le demeure, malgré tout ce qu’essaie d’imposer notre volonté.

Contempler, vient de regarder, de plonger notre esprit pensant et rationnel dans l’Ouverture créatrice, dans l’Esprit même, plutôt que de se focaliser sur ses apparitions, telles que les pensées. L’Esprit, n’étant pas un objet, mais le vaste Ciel, fait que lorsque nous le regardons nous le devenons.

Si Dieu est éternel, lui seul peut nous apporter et nous révèle son éternité.
Se mettre en Dieu, c’est se mettre en Esprit. Se mettre en Esprit, c’est participer de son éternité.

Ne vous cherchez pas dans un “état”, car nous “Sommes” indépendamment d’eux. Nous sommes l’Espace et la nature de tous les états. Nous sommes le vaste Esprit, Source de toute chose, auto existant, sans début ni fin.
Afin de le rencontrer, de l’expérimenter, il nous faut regarder par-delà le petit esprit pensant. Il nous faut l’ouvrir, oublier ses concepts et ses mesures. Il nous faut mettre l’esprit dans l’esprit, le cœur dans le cœur et vivre la rencontre de Soi qu’offre la vie.

Dans l’approche contemplative “lâcher-prise” c’est finalement accepter le caractère vaste et profond de notre Nature. En nous, l’Esprit est sans contours, sans limites, à l’image du ciel infini. En lui, tout ce qui s’élève a l’évanescence des reflets dans un miroir.
Bonne ou mauvaise, aucune des réflexions qui apparaissent n’a le pouvoir de modifier l’éclat immuable de sa nature. C’est seulement dans le reflet d’une idée , le reflet d’un jugement, que des variations et des changements ont lieu.

Mettez-vous dans le ciel de l’esprit. Sentez-vous spacieux, clair, libre de contours. Sentez-vous uni, inséparable de l’espace qui vous entoure.
Mettez-vous dans le ciel et permettez-lui de vous imprégner, de vous ouvrir. Découvrez-en l’envie. C’est ainsi que s’opère “l’abandon”, celui-là qui nous libère des croyances du “fini” et qui nous offre la vision “infinie”.

On ne se met pas esprit comme pour pratiquer et en attendre quelque chose. On ne le fait pas par devoir et pour s’ajuster. Nous devrions le faire par envie, parce que cela correspond une soif et un désir en nous.

Précédent :