S’abandonner
Denis Marie
12 février 2022

Comment se connaitre, découvrir notre nature originelle, si nous ne savons pas passer outre notre mental, notre discours, les théories dont nous cherchons à nous convaincre et à convaincre les autres ? Le personnage voit en cela sa liberté. Toutefois, en réalité, ce n’est qu’un argumentaire dont il dépend, qu’il soutient pour se rendre existant.

Sans la vérité, le mensonge ne s’exprimerait pas, pas plus que ne pourrait s’exprimer le rôle sans le comédien. Comment entendre le son de la vérité lorsque l’on est plein de ses propres bruits ? Loin de les abandonner, la plupart justifient leur posture. Encore, ils défendent le personnage pour maintenir l’illusion d’exister à travers lui.

“Lâcher prise”, nous abandonner à la simplicité de l’instant est ce qui peut nous aider à basculer. Cependant, tout le monde défend son illusion et argumente. Le personnage rétorque. Il veut prouver qu’il a raison, que ce qu’il fait et dit est juste. Pourtant, rien de juste n’est jamais sorti du mensonge ! En ne lâchant rien, l’illusion continue d’être son propre moteur.

La rencontre de Soi, nous seuls l’autorisons. Nous seuls l’interdisons.

“Lâcher prise” de notre légende et de la volonté du personnage est un prérequis majeur pour contempler. En effet, il est difficile d’être libre en assumant une identité d’emprunt, en nous dérobant de l’ouverture qu’offre le renouveau de l’instant, la Présence incessante de l’Être.

Remplir sans cesse notre mental d’histoires, de commentaires en tout genre, est la façon dont l’illusion s’affaire pour se faire exister. Pourtant, il nous suffit d’arrêter de clamer le rôle pour retrouver notre identité première. Par le “faire” le personnage masque “l’Être”. Il veut légitimer sa place et prouver son importance.

“Lâcher prise” est une décision radicale pour ne plus être happés dans une course sans fin contre nous-mêmes. En continuant sans rien changer, nous permettons au rôle de se maintenir. En fuyant ou en nous opposant à lui, finalement cela le renforce et contribue à le rendre actif. Aussi, c’est de se désinvestir de son jeu, d’arrêter toute réactivité qui permet le désamorcer.

“Lâcher prise” est l’abandon simple et élémentaire qui peut nous libérer de nous-mêmes. Cet abandon ne pourra être efficace s’il est exercé comme un but en soi. Le but réel qui nous aide et nous incite à cesser notre implication, c’est notre libération. C’est notre soif sincère de vivre en vérité.

Ne sommes-nous pas fatigués d’une lutte intérieure qui nous garde divisés ? N’en avons-nous pas assez d’être notre propre adversaire, d’être celui qui se fait obstacle ? Rien ni personne d’autre n’est investi dans ce conflit. C’est de nous seuls qu’il dépend. Le fait de rendre responsable autrui, n’est qu’une façon de nier notre manque de bienveillance et d’amour envers nous-mêmes.

Il s’agit de s’abandonner à la Présence, à la vérité de l’instant.

Nous Sommes ici, sans effort. Sans que la vie exige quelque choses de nous pour exister. En cela, il y a une gratuité d’être. Lorsque des conditions s’élèvent, c’est de nous ou de notre entourage qu’elles proviennent. Cependant, indifféremment, le vivant nous anime et nous offre d’Être dans le monde.

S’il existe un entraînement spirituel, c’est celui du lâcher-prise. C’est l’abandon qui permet de passer outre nos cinémas et nos jeux névrotiques. Plus le cinéma est prenant, plus de le lâcher nous apporte la libération.