Nous préservons notre rêve, au lieu de le mettre au jour pour mieux l’invalider.
L’illusion sait se protéger. Elle sait comment se détourner de ce qui peut la menacer. Alors que, soi-disant, nous sommes en recherche d’absolu et de vérité, nous conservons de nombreuses zones d’ombre. Nous préservons notre rêve, au lieu de le mettre au jour pour mieux l’invalider. Nous dissimulons la machinerie de notre petit théâtre. Nous fermons les rideaux pour masquer les ficelles du marionnettiste.
Nous sommes habiles dans le fait de cultiver les paradoxes. Nous nous engageons dans des projets et des directions opposées afin qu’en réalité rien ne puisse complètement changer. Plutôt que de prétendre nous impliquer dans la spiritualité, pour commencer, nous devrions arrêter d’étendre le champ de notre illusion. Concrètement, nous ferions mieux de cesser de la faire fructifier et d’en tirer profit.
Nous sommes le machiniste, le “magicien” de notre propre rêve, de nos propres fantasmes. Pourtant, tout ce qui nous occupe dans cette mascarade est faux. Cela se déroule comme au cinéma. Tout le monde est assis, tourné vers l’écran. Une fois plongés dans l’obscurité, tous oublient l’arrière de la salle ainsi que la petite lucarne par laquelle le projecteur diffuse son illusion.
Dans cette vie, nous ne voulons pas tout voir, tout savoir. Sinon, l’illusion perdrait tout attrait, toute crédibilité.
Dans cette vie, nous ne voulons pas tout voir, tout savoir. Sinon, l’illusion perdrait tout attrait, toute crédibilité. Bien que tout s’épuise, les heures, les jours, les années… nous continuons de projeter un temps imaginaire. Cependant, si, à cet instant, nous nous interrogeons sur ce qui nous reste de notre vie, nous verrons que ce ne sont que des idées, qu’une histoire.
Quel est le but de cette existence ? Quel en est le sens ? C’est là les sempiternelles questions que les hommes se posent. Bien que cette vie terrestre soit limitée, nous faisons comme si elle ne l’était pas. Nous redoutons la mort et tout ce qui nous la rend trop prégnante. D’un autre côté, elle est omniprésente dans la plupart de nos histoires, les films et séries que nous regardons, comme pour que nous l’exorcisions.
“Dès qu’un homme est né il est assez vieux pour mourir” (M. Heidegger). La mort nous concerne tous et dans tous les âges de la vie. Elle est à la fois une fin incontournable et un grand mystère. Sans doute qu’elle effraie les hommes depuis toujours. De bien des manières, nous nous confrontons à son énigme. De façon plus formelle, à travers différents domaines et de nombreuses approches comme la science, la philosophie, la religion, nous tentons de la résoudre, d’en comprendre le sens et la raison.
Comme pour la plupart de tout ce que nous considérons être négatif ici-bas, nous rejetons la mort. Nous l’évinçons en pensant que ça ira mieux sans elle. Cependant, il est probable que nous avons tort d’agir ainsi et de la prendre pour une ennemie. Une situation, un événement par définition n’est pas bon ou mauvais. Il est tel que nous le prenons, tel qu’en retour nous nous jugeons. Nous ne voyons pas comment, vu sous un autre angle, la mort peut être une conseillère et un moteur de vie.
Accepter le fait de mourir, c’est finalement accepter d’être pleinement vivant.
Le fait de savoir que l’on va mourir, le fait de l’admettre, s’avère très puissant. Assurément, cela nous apparaît comme déplaisant. Cependant, c’est vrai ! Lorsque nous l’entendons, la saveur de cette vérité est sans égale. Elle nous consume. Elle nous investit et procure en notre être une énergie nouvelle.
Accepter le fait de mourir, c’est finalement accepter d’être pleinement vivant. Non pas comme si nous voulions nous accrocher avec l’espoir d’augmenter notre survie. C’est plutôt se sentir poussé, mis en contact avec un plan plus profond d’existence, dans l’essence même de la vie.
Se souvenir que l’on va mourir est stimulant. Cela permet de clarifier nos décisions et nos choix de vie. Aussi, cela réveille en nous une urgence. Une trajectoire s’impose et fait que nous ne voulons plus tergiverser. Bien au contraire, nous désirons saisir ce réveil, la chance qui nous est donnée de rencontrer le mystère de l’univers qui s’accomplit ici dans cet instant même, au milieu de notre propre personne.
Mourir, nous offre de découvrir “cela” qui ne meurt pas, l’Esprit éternel. Il faut que le grain meurt* pour qu’il donne du fruit. Sans le passage à travers la mort, nous restons bloqués, limités par une vue étroite, dominés par une perception duelle. En définitive, ne peut mourir que ce qui est périssable, que ce qui n’est pas encore rené de la vraie vie.
Memento mori *
Se rappeler “de mourir à soi-même” n’a rien de funèbre ni de désespéré. En fait, il s’agit d’une invitation à entrer dans la vie nouvelle.
Aujourd’hui, notre peur de mourir c’est celle de notre illusion qui veut se perpétuer. Qu’importe notre ressenti puisque nous mourrons de toute façon.
Nous sommes appelés au-delà de notre rêve, au-delà d’un enfermement, d’une croyance dans laquelle nous nous sommes fait prendre, dont il est déjà temps de nous réveiller.
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